LES BARQUES
LES BARQUES
Le capitaine au long cours marchant le long du quai de misère,
Grommèle à la vue des rafiots désœuvrés et vermoulus,
Vestiges d’un lointain passé où l’on prenait la mer comme on prend le train.
Il n’y a pas de fumée sans feu se dit-il, comme dans le foyer de la Pacific 231 ou dans la pipe en terre
De mon second buriné par les embruns.
Des coups de tabac, nous en avons eu sans sombrer sur la ligne d’horizon.
Mille sabords! De Terre-Neuve à Camaret par sept ou dix Beaufort, le coup nous avons tenu.
De la crête endiablée des vagues au tréfonds de celles-ci, toujours nos esprits avons gardé.
Désœuvrés, désolidarisés de leurs chalutiers, les voilà maintenant à ce point du quai presque sans âme
Parmi ce fatras de déchets maritimes auquel elles n’ont pas droit, pouvant encore servir comme un
Dernier honneur. Rien ne les habite. Si, un rat trottinant sur ce quai de misère, un squelette de hareng
Dans la bouche, loin de la dernière fraîcheur. Une mouette au loin bataille avec une autre pour gagner Le dernier morceau de l’encornet déchiqueté.
Leur destinée n’est pas encore dessinée ; l’un flotte le long du quai avec l’espérance d’un nouvel
Avenir. Repartir solidaire du chalutier vers une énième course aux maquereaux, près des côtes
Irlandaises où abonde aussi le merlan bleu qui deviendra « surimi », ou alors, armé d’équipements
A vocation touristique, pour les marins d’occasion désireux d’une balade en barque dans un Aber
Protégé du vent mauvais.
L’autre, presque gisant sur le quai de misère, attend, attend, attend, jusqu’au jour où son corps
Vermoulu sera rongé par son passé qui ne sera plus qu’un souvenir pour le capitaine au long cours.
Irréversible et tragique avenir pour un passé si fertile en majesté marine.
Raymond Martin
D’après une aquarelle de : Adyne Gohy .
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